« NOUVELLE FLEUR »
sortie le 27 mai 2016
(l’Autre Distribution)
Rythmiques profondes et volutes de cuivres, c’est sous l’effet du puissant philtre enchanteur éthio-jazz que les parisiens d’Arat Kilo gravent leurs albums depuis 2008, allant jusqu’à rallier la terre mère Addis-Abeba pour capter sur place l’inspiration de leur précédent EP. Si elle est bien plus que le fil conducteur de toute leur discographie, la capitale fondée par Menelik II est aujourd’hui le centre de gravité de ce nouveau LP : Addis-Abeba signifiant “Nouvelle Fleur” en amharique.
Pour le groupe, il s’agit aussi d’une nouvelle éclosion. Line-up remanié, percussionniste devenu membre à part entière, pour ce quatrième album, le quintet a laissé derrière lui ses habitudes de composition pour assumer pleinement le côté groove de sa force, dessinant au fil des titres, un ensemble de peintures sonores aux teintes sombres et aux recoins menaçants.
Epuré de trop d’échappées en solitaire, Nouvelle Fleur s’épanouit sur un terreau fertilisé par des apports soul, funk, afro-cubain ou hip hop, offrant à cette musique à l’origine purement instrumentale qu’est l’éthio-jazz, le luxe de laisser naître des efflorescences vocales sur ses portées.
Nardos Tesfaw (Ethiocolor), Mamani Keita (Electro-Bamako) et Bruck Tesfaye (Debo Band) sont venus semer les graines de leurs mélopées, de leurs vibrations maliennes ou répandre leur pur jus Ethiopien dans les sillons. David Neerman (Kouyaté-Neerman) a laissé les effets de son vibraphone s’infiltrer dans les profondeurs du mix, quand les rappeurs Mike Ladd et Rocé ont exploré le beat avec, pour seul et unique phare, micro et rimes affûtées.
Qu’Arat Kilo enfume son groove comme s’il sortait du studio de King Tubby, ou voyage dans le temps pour en ramener un piano hors d’âge, l’éthio-jazz reste la maison mère vers laquelle tout converge. Si la tonalité doit être celle d’une bande-originale aux intentions latines, alors le héros du film ne pourra être qu’un agent d’Addis, en mission à Cuba. Si le tambour imprime un rythme martial, il sera évidemment celui d’une cérémonie d’offrande au démiurge Mulatu Astatké.
Loin des méthodes hors-sol, où les instruments sont captés à plusieurs semaines de distance les uns des autres, c’est live qu’a été enregistré Nouvelle Fleur. Sur du matériel usiné dans les années 60 et 70, sans casques, mais avec des musiciens qui s’écoutent et jouent ensemble dans la même pièce, communiquant entre eux par un courant collectif. Laissant la chaleur circuler entre chaque instrument et passer d’un titre à l’autre pour faire éclore cette Nouvelle Fleur. Colorée, luxuriante, et dont le parfum épicé transporte instantanément au royaume d’Abyssinie.