Qui sait ? S’il n’était pas né sous le signe du sagittaire, peut-être n’aurait-il jamais eu un tempérament de nomade et le goût de l’aventure. Expédié en Europe dès l’âge de quinze ans, il serait revenu bardé de diplômes.
Touché par la grâce musicale dès ses premières années dans le temple protestant, le petit Manu entre Paris et Bruxelles, au gré des maîtres qu’il se découvre (Armstrong, Ellington, Young, Parker…), des errances dans des lieux où le Jazz déchire voluptueusement les nuits, et des rencontres de hasard, va se forger une âme de musicien.
Quand dans l’effervescence de l’Afrique des indépendances, le grand chanteur Kabasele débarque du Zaïre à Bruxelles et lui propose de rejoindre son groupe « L’African Jazz » pour jouer la musique congolaise, Manu relève le défi. Il participe alors à une quarantaine de disques, puis en tournée du côté de Kinshassa. Un étape déterminante. Une idée germe peu à peu au fil de sa vie de musicien reconnu : inventer un patchwork tissé de conversations riches et fougueuses entre le jazz et les musiques africaines. Electrique par nature, les oreilles en alerte, en état de veille constant, à l’écoute des sons de son époque -dès 1972, avec SOUL MAKOSSA, premier tube francophone à faire chavirer les States, Manu va prendre un malin plaisir à détruire les chapelles musicales, bâtir des ponts entre les continents et jeter des passerelles entre la tradition et les sons du futur. Premier en France à défricher le terrain sur lequel la vague africaine prit ses aises, il enchaîne tournées et albums avec un enthousiasme jubilatoire et chaleureux, s’engage dans des combats humanitaires. Donne un coup de pouce aux jeunes talents. S’emploie à mettre sur partitions les musiques d’Afrique et trouve même le temps d’écrire son autobiographie. L’heure du bilan ? Certainement pas. A l’aube de sa 80ème bougie, Manu Dibango n’est pas prêt de raccrocher son sax shaker.
Texte écrit par Patrick LABESSE.